Notre "tête d'affiche", la statue en terre cuite peinte de Joseph Csaky, est l'une des plus grandes sensations de l'exposition Wanted / Lost & Found. L'œuvre était cachée depuis 85 ans dans un petit appartement à Montparnasse, non loin de l'Institut culturel hongrois. Auparavant, on ne connaissait son existence que par des reproductions en noir et blanc. Pour l'histoire romanesque de sa découverte, voyez cet article publié dans Artmagazin : www.artmagazin.hu
Commissaire de l'exposition : Gergely Barki, historien de l'art
L’Institut culturel hongrois de Paris vous présente son exposition totalement inédite, Wanted / Lost & Found - À la recherche du cubisme hongrois perdu, du 21 mai au 14 août 2021.
Sous le commissariat de Gergely Barki, cet événement vise à mettre en lumière un grand nombre d’œuvres cubistes hongroises tombées dans l’oubli. Comme son titre l’indique, ce projet a pour vocation de retrouver et de faire réapparaître les œuvres perdues ou oubliées du cubisme hongrois, mais aussi de rattacher à ce courant artistique majeur celles qui ne le seraient pas encore.
Wanted / Lost & Found mettra en perspective 44 œuvres originales déjà retrouvées (sculptures, peintures ou dessins) et 50 reproductions en noir et blanc d’œuvres perdues et toujours recherchées, réalisées par onze artistes de l’avant-garde hongroise :
Sándor BÁNSZKY, Ervin BOSSÁNYI, Joseph CSAKY, István FARKAS, Valéria DÉNES, Sándor GALIMBERTI, Árpád KÉSMÁRKY, Elemér KÓRÓDY, Gustave MIKLOS, Alfred RETH, Imre SZOBOTKA.
L’exposition, organisée en deux parties de taille égale, donne un aperçu de la richesse des œuvres cubistes hongroises. C’est la première fois qu’elles sont ainsi présentées ensemble sous cette forme au grand public.
Parmi celles-ci, 27 ont refait surface ces dernières années grâce aux recherches menées par Gergely Barki. L’une des deux parties de l’exposition montre des reproductions d’œuvres toujours égarées à ce jour. La plupart d’entre elles n’ont jamais été vues, ni par le grand public ni par les professionnels.
Active et participative, cette quête s’adresse par conséquent aux collectionneurs français, aux spécialistes, aux professionnels du marché de l’art et aux historiens. Cette chasse à l’œuvre d’art perdue est également ouverte au grand public, dans l’espoir que des propriétaires puissent en reconnaître certaines. Ils contribueraient ainsi à l’avancée des investigations autour de l’exposition organisée par la Galerie nationale hongroise de Budapest, dont l’ouverture est prévue en 2023.
Pour la première fois, l’exposition dévoilera au grand public, le chef-d’œuvre inédit de Joseph Csaky, réapparu après avoir disparu pendant 85 ans. Il s’agit d’une découverte majeure pour l’histoire du cubisme. En effet, cette sculpture revêt une place particulière dans l’œuvre de l’artiste et peut être considérée comme son premier pas, encore incertain, sur la voie de l’Art déco.
Parallèlement, sera présenté en exclusivité le seul nu cubiste de Gustave Miklos que l’on peut encore admirer de nos jours : « Femme nue debout », réalisé en 1913.
L’objectif principal de l’exposition est d’attirer l’attention sur les œuvres cubistes hongroises, dont une fraction incroyablement importante reste toujours introuvable. Il est d’autant plus pertinent de lancer cette initiative en France qu’une grande partie de ces œuvres recherchées ont été créées et ont disparu à Paris ou dans la province française. Notre exposition tente de créer un cadre susceptible de favoriser leur réapparition et invite le milieu professionnel parisien ainsi que le grand public à participer à cette passionnante « chasse aux œuvres d’art ».
En même temps, l’exposition donne également un aperçu des succès déjà remportés : elle propose une quarantaine d’œuvres cubistes originales, dont plusieurs douzaines de peintures et de dessins, ainsi que quelques statues jusqu’ici ignorées, y compris des professionnels hongrois.
La Galerie nationale de Hongrie prépare en 2023 une exposition de grande ampleur consacrée à ce thème. Elle s’accompagnera d’un catalogue monographique. Nous espérons que le succès de notre exposition parisienne anticipera celui de l’événement budapestois !
Entrée libre
Sans réservation
La "tête d'affiche"
Les œuvres perdues d’Imre Szobotka
Parmi les premiers tableaux cubistes d’Imre Szobotka (1890-1961), beaucoup ont disparu pendant la Première Guerre mondiale. En effet, l’État français saisit alors son atelier parisien, devenu propriété d’un ressortissant de pays ennemi. Les œuvres qui s’y trouvent sont ensuite vendues aux enchères.
À cette époque, il travaille en Bretagne, à Saint-Brieuc et dans les alentours, en compagnie de son collègue, Ervin Bossányi. Tous deux seront bientôt placés en détention dans la ville. Toutefois, d’après les sources et les œuvres qu’il nous reste, on peut affirmer avec certitude qu’ils ont pu continuer leur travail dans le camp.
C’est aussi grâce à cela qu’un nombre relativement important d’œuvres a pu survivre à la Seconde Guerre mondiale, conservées dans sa maison de Budapest.
Après la mort du peintre, sa veuve reçoit la visite de nombreux marchands d’art venus d’Europe de l’Ouest qui, en l’absence de marché d’art cubiste en Hongrie à l’époque, acquièrent aisément ses œuvres, y compris les plus intéressantes. Ainsi, dans les années 1970, les plus grandes œuvres cubistes de Szobotka se retrouvent en Italie et en Allemagne. De nos jours, un demi-siècle plus tard, parvenir à les localiser représente un véritable défi.
La Galleria dell’Incisione, dont le siège était autrefois à Milan, organise à l’automne 1973 une exposition personnelle avec 50 des œuvres cubistes de l’artiste, tandis que quelques mois plus tard, la Galeria del Levante, également implantée à Milan, présente dans sa galerie de Munich pas moins de 8 autres de ses œuvres cubistes à l’occasion de son exposition sur les avant-gardistes hongrois. Sur cet ensemble de 60 œuvres environ conservées à l’étranger, une petite partie seulement a été récupérée. Quelques-unes ont depuis réintégré le marché de l’art hongrois. Au cours de nos investigations, nous avons réussi à retrouver la trace de plus de 50 pièces (dont certaines sont présentées au premier étage de notre exposition) parmi ces créations présumées perdues, néanmoins plusieurs dizaines d’œuvres de Szobotka sont encore recherchées.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Les œuvres égarées de la famille Galimberti
Bien que le couple Sándor Galimberti (1883-1915) - Valéria Dénes (1877-1915) ne puisse être qualifié de cubiste stricto sensu, leur art était largement inspiré du cubisme de Paris. Leurs principales sources - pour autant qu'on puisse en juger par leur style - étaient les œuvres de Fernand Léger et Jean Metzinger. D'ailleurs, Valéria Dénes fut aussi l'élève d'Henri Matisse, ce qui peut expliquer que la composition structurelle du cubisme dans leurs peintures se double de la folie, de la spontanéité et de l'expressivité du fauvisme. Fait intéressant, les œuvres de Valéria Dénes montraient une originalité et un courage que l'on ne retrouvait pas toujours chez son mari.
Paris a été un lieu déterminant pour leurs activités : ils ont exposé au Salon des Indépendants et au Salon d'Automne, et ont même eu une exposition personnelle à la petite galerie de Berthe Weill à Montmartre. Aujourd'hui encore, certaines de leurs œuvres perdues sont probablement à Paris.
Valéria Dénes est décédée à Pécs en 1915 d'une maladie foudroyante. Galimberti, ne pouvant supporter la mort de sa femme, s'est suicidé deux jours plus tard, laissant derrière lui leur fils de 2 ans, Mario. Adulte, Mario Galimberti épousa une Française et s'installa définitivement à Paris, emportant avec lui certains tableaux de ses parents, que nous ne connaissons que par d'anciennes lettres. Comme ces sources datent des années 1960, on peut à juste titre supposer que les œuvres n'ont pas été détruites, et se trouvent encore potentiellement à Paris.
Malheureusement, nous ne disposons pas de photographies des intérieurs de l'appartement parisien de Mario Galimberti, et ne savons donc pas avec certitude quelles œuvres y étaient présentes. Nous pouvons néanmoins émettre des conjectures à partir de photographies d'archives quant aux œuvres du couple qui ont été égarées.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Les informations à leur sujet sont bienvenues, et toute piste sérieuse sera récompensée !
Trois œuvres recherchées
Selon la documentation dont nous disposons, un seul article publié dans un journal de Philadelphie, The Public Ledger, mentionne l’existence d’une œuvre cubiste d’Árpád Késmárky (son nom est mal orthographié dans la presse et les catalogues de l’époque : on y lit « Rismarky »). D’après les descriptions, le modèle pourrait être l’un de ses amis sculpteurs, Joseph Csáky, ou encore Sándor Bánszky, originaire comme lui de Szeged. Il pourrait aussi s’agir de Brancusi qui lui avait été présenté par György Bölöni, un critique installé alors à Paris.
Nous n’en avons en fait pas la moindre idée. Nous ignorons par ailleurs où se trouve l’œuvre.
Une exposition itinérante baptisée Department-Store Cubism (littéralement « cubisme de grand magasin ») a parcouru les États-Unis en 1913 et 1914. Revenus à Milwaukee, leur point de départ, les tableaux hongrois entreposés au sous-sol de la Galerie Gimbel Brothers, auraient, dit-on, été endommagés par une importante inondation. L’information reste à vérifier. Ces toiles sont probablement demeurées aux États-Unis, à moins que certaines aient pu être rapatriées en Europe.
On notera avec intérêt que l’article du Public Ledger met au même rang nos artistes hongrois et deux grands maîtres du cubisme français, Jean Metzinger et Fernand Léger. Sous la reproduction du portrait réalisé par Késmárky figure celle d’un nu perdu de Gustave Miklos, utilisé à Cleveland pour la couverture du catalogue de l’exposition.
On recherche également un tableau de Metzinger présenté dans le même journal et égaré dans les années 1990 pendant les préparatifs d’une autre exposition. Nous sommes à la recherche de ces trois œuvres. Une récompense sera offerte pour toute information sérieuse !
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Expériences de reconstruction en 3D
La solution innovante de modélisation 3D peut être considérée comme un projet à part entière au sein de notre exposition. Il a permis en effet de présenter de spectaculaires reconstitutions des sculptures perdues de Joseph Csaky, avec même un certain réalisme grâce à la restitution holographique de leurs dimensions spatiales.
Les clichés des sculptures cubistes de Csaky ayant été pris sous un angle de vue unique (à l’exception du Groupe de femmes, constitué de trois personnages, 1912), il est très difficile d’imaginer à quoi elles ressemblaient sous d’autres angles, de côté, de derrière, etc. Toute reconstruction est donc hypothétique.
Le designer britannique établi à Stuttgart, Mark Byass et sa petite équipe ont analysé pendant plus d’un an les autres œuvres que Csaky avait sculptées à la même époque et ont proposé d’innombrables variations possibles des faces inconnues. Respectant les lois de l’art sculptural, ils se sont efforcés de présenter les faces imaginaires des statues perdues à travers un système très complexe de simulation.
Ils sont systématiquement partis de photos d’archives bidimensionnelles, sauf pour une œuvre (à nouveau le Groupe de femmes créé en 1912) pour laquelle ils disposaient également d’une séquence extraite des actualités cinématographiques. Et même dans ce cas, la caméra étant statique, elle n’a pas permis de dévoiler toutes les faces de la statue.
Grâce à ces reconstructions virtuelles, les sculptures perdues dont on ne connaissait qu’une seule face sont devenues tridimensionnelles, elles apparaissent donc sous nos yeux en rotation 3D. Nous pouvons enfin apprécier la modernité de ces œuvres telle que le public parisien la percevait il y a un siècle. L’autobiographie de Csaky nous apprend qu’à l’occasion de la première exposition de ces sculptures au Salon d’Automne, les visiteurs agitaient les poings, menaçants, prêts à détruire les statues aux formes anguleuses. Heureusement, ils ne sont pas passés à l’acte ; pourtant, on ignore presque tout du destin de ces œuvres d’art. À la demande de son galeriste, Léonce Rosenberg, l’artiste s’est mis en quête de ces sculptures cubistes dès la fin de la Première Guerre mondiale, mais elles n’ont pas été retrouvées ni alors ni depuis.
Dans cette reconstruction multidisciplinaire, Mark Byass a été épaulé par Jin Ho Jeon, Marcell Barts, Márton Barki et l’équipe de Silent Resource (Stuttgart).
Nous adressons un remerciement spécial à l’Institut culturel hongrois de Stuttgart pour le transport et l’installation professionnelle des hélices holographiques 3D.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Une œuvre retrouvée !
Il y a quelques semaines, en pleins préparatifs pour l’exposition présentée en ce moment à l’Institut culturel hongrois WANTED/LOST & FOUND – À la recherche du cubisme hongrois perdu, une œuvre particulièrement convoitée figurant sur « l’avis de recherche » du commissaire de l’exposition Gergely Barki, a été retrouvée.
Barki cherchait la peinture de Gustave Miklos intitulée Nu féminin debout (étude de nu) depuis presque une décennie. Certes, contrairement à la plupart des tableaux cubistes hongrois, cette œuvre n’avait pas disparu sans laisser de trace un siècle plus tôt, mais avait encore été exposée il y a trente ans seulement. On avait beau disposer d’une reproduction en couleur, ni les chercheurs ni l’héritier de l’artiste ne possédaient d’information permettant de la localiser. La reproduction du tableau figurait dans une étude réalisée par le professeur Aaron Sheon à propos d’une exposition itinérante entièrement consacrée au cubisme, organisée en 1913 aux États-Unis. Aux côtés de quelques artistes français, elle présentait aussi deux artistes hongrois, dont Gustave Miklos. Près de la mention relative aux droits de reproduction, on pouvait lire le nom du propriétaire, Paul Mas. Suivant cette piste, Barki est arrivé, l’été dernier, aux portes d’un viticulteur établi dans le Languedoc. Il s’est vite avéré que Paul Mas, quoique collectionneur lui-même, ne possédait pas le nu cubiste recherché. Peu après, l’attention du chercheur s’est tournée vers un autre Paul Mas, ancien propriétaire de la galerie parisienne, L’Enseigne du Cerceau qui avait joué un rôle important dans la découverte de Gustave Miklos dans les années 1960-1970. Il n’était plus en possession du tableau recherché, désormais entre les mains des propriétaires actuels, Isabelle et Hervé Poulain ; 35 années plus tôt, il leur avait en effet cédé ce chef-d’œuvre cubiste précoce de Miklos, première pièce de leur collection. Il y a quelques semaines, le commissaire de notre exposition est reçu très amicalement par M. et Mme Poulain et il peut admirer le magnifique nu enfin retrouvé, ainsi que neuf esquisses dont il n’existe pas même une reproduction et qui ont très probablement été dessinées entre 1912 et 1914, à l’époque où Miklos étudiait sous la direction de Jean Metzinger à l’Académie La Palette. C’est ainsi qu’ont refait surface en même temps dix œuvres dont on ignorait presque tout. Commissaire-priseur, ancien pilote automobile, M. Poulain qu’il est certainement inutile de présenter au public parisien, nous a volontiers prêté l’impressionnant nu féminin réalisé par Miklos et les visiteurs pourront l’admirer du 20 mai à la mi-août dans le cadre de notre exposition gratuite.
Cette œuvre précoce majeure de Miklos a été présentée pour la première fois au Salon des Indépendants en 1913, dans la salle des cubistes. Pour conclure, on ajoutera qu’il y a quelques semaines, l’autre toile que Miklos avait présentée au Salon de 1913 a réapparu à l’occasion d’une banale vente aux enchères. Mais ce portrait de sa sœur, Marika, ne rejoindra notre exposition itinérante qu’à sa prochaine étape, à Bruxelles, cet automne.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Les œuvres cubistes perdues de Ervin Bossányi (1891-1975)
Bossányi, l’un des plus jeunes membres de la colonie d’artistes cubistes hongrois de Paris, entretient avec celle-ci des relations plutôt distendues, malgré ses liens très étroits avec l’un des peintres cubistes les plus résolus de ce groupe, Imre Szobotka. Tandis que les autres se sont plus ou moins installés à Paris, lui entreprend des voyages d’études en Angleterre, en Belgique, en Italie et retourne également régulièrement en Hongrie. Contrairement aux autres membres du groupe, il ne fréquente pas non plus l’Académie La Palette, principal centre du cubisme hongrois, mais lui préfère l’Académie Julian et l’École des Beaux-arts. Il résiste pendant des années aux courants les plus modernes et garde ses distances avec le cubisme, mais, en 1914, certainement sous l’influence de son ami Imre Szobotka, il devient lui aussi un fervent adepte de ce courant artistique.
Trois semaines après l’attentat de Sarajevo, il se réfugie à Saint-Brieuc, en Bretagne, avec son ami Szobotka, mais ils conservent aussi leurs ateliers parisiens, espérant la fin rapide des hostilités pour pouvoir y retourner dans des circonstances plus favorables. Rien ne se passe comme ils l’avaient prévu. Bien qu’ils puissent encore peindre librement pendant des mois, au bord de la mer, en ville et dans la campagne environnante, la déclaration de guerre change définitivement le cours de leur vie. Tous deux sont envoyés dans le camp d’internement local où les occasions de travailler sont beaucoup moins nombreuses. Néanmoins, presque tous ses travaux de l’époque (une centaine environ), principalement des œuvres sur papier à forte influence cubiste, ont été préservés. La plupart se trouvent aujourd’hui dans des archives de musées en Angleterre (Victoria and Albert Museum à Londres, Ashmolean Museum à Oxford) où ils ont longtemps attendu que des chercheurs s’intéressent enfin à eux. Quelques peintures à l’huile de l’époque, conservées heureusement dans des collections privées, sont exposées à l’étage.
Néanmoins, nous avons également connaissance de nombreuses œuvres portées disparues. Une liste rédigée par Bossányi (rédigée de mémoire) inventoriant tout ce qu’il avait laissé dans son atelier de Paris avant la guerre est pour nous une source d’information très précieuse. Près de 30 peintures à l’huile, des dizaines de dessins et une statue, ainsi que ses notes et sa correspondance ont disparu sans laisser de trace pendant la guerre. Il est probable que ses biens, comme ceux de nombreux autres ressortissants de pays ennemis, aient été saisis par l’État français et vendus aux enchères à vil prix. Après la guerre, il s’installe à Lübeck et travaille sur des tableaux inspirés du cubisme, mais davantage tournés vers l’abstraction. Tandis qu’il ne nous reste malheureusement aucune photographie d’époque des toiles cubistes qu’il a peintes à Paris (ni de celles qui ont été perdues), nous pouvons nous représenter certaines de ses peintures réalisées à Lübeck grâce à des photographies d’époque.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Gustave Miklos
Gusztáv Miklós (Gustave Miklos) est surtout connu en France pour ses sculptures de style Art déco.
Peu savent qu’au début de sa carrière, c’est un fervent partisan du cubisme qui, entre 1912 et 1914 environ, évolue au sein de ce groupe de jeunes artistes hongrois formés à l’Académie La Palette, haut lieu du cubisme. Pendant cette période, Miklós expose en compagnie des cubistes français à Paris et fait partie également des premiers exportateurs du cubisme outre-Atlantique.
Il se fait un nom aux États-Unis en prenant part à une entreprise très particulière baptisée « Department-Store Cubism » (littéralement « cubisme de grand magasin »). Quelques jours après la clôture de la dernière étape bostonienne de « l’Armory Show », exposition itinérante déterminante pour le développement de l’art moderne américain, le 10 mai 1913, une autre exposition part en tournée et fait une première étape à Milwaukee. Les œuvres voyagent de Milwaukee, à Cleveland, Pittsburgh, New York, Philadelphie, avant de revenir à Milwaukee à la fin de l’été 1913. Première manifestation consacrée uniquement au cubisme aux États-Unis, cette exposition itinérante se tient exclusivement dans les grands magasins. Aux côtés de Pierre Durmont, Albert Gleizes, Fernand Léger, Jean Metzinger et Jacques Villon, deux Hongrois y représentent le cubisme : Gusztáv Miklós et Árpád Késmárky. Seuls deux catalogues ont été identifiés. Celui imprimé à Cleveland reproduit en couverture une esquisse de nu de Gusztáv Miklós.
Après la tournée « Departement-Store Cubism » en avril et mai 1914, une exposition de plus grande envergure est inaugurée sous le titre « d’Exhibition of Paintings and Sculptures in ‘The Modern Spirit’ ». C’est à cette occasion que les peintures cubistes hongroises seront présentées pour la dernière fois. Nous ne possédons que de très vagues informations concernant le sort ultérieur de ces œuvres. Le nu de femme assise de Gusztáv Miklós n’a jamais été retrouvé.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Le logo de Csaky pour Rosenberg
Grand défenseur du cubisme, Léonce Rosenberg organisait dans sa galerie parisienne de nombreuses expositions consacrées aux maîtres de ce mouvement et parmi eux, Joseph Csaky.
En 1919, il lance une série de publications sur ce thème qu’il baptise Éditions de l’effort moderne (à ne pas confondre avec le Bulletin de L’Effort Moderne publié plus tard également par ses soins !) Même si la littérature spécialisée s’en est peu fait l’écho, George Braque a fort probablement dessiné le logo de la nouvelle maison d’édition et de la série ; certaines publications ont dû voir le jour ornées de ce logo qui représente un livre ouvert. Il sera remplacé par un nouveau en 1920, mais comme le précédent, il n’en est fait aucune mention dans la littérature spécialisée. Il y a quelques années, une composition à l’encre de Chine de Joseph Csaky refait surface dans une collection milanaise et elle ressemble beaucoup au nouveau logo de Rosenberg. Le petit livre de Maurice Raynal sur Picasso est l’une de ses plus intéressantes publications. Curieusement, ce n’est pas une œuvre de Picasso qui orne sa couverture, mais le logo conçu par Csaky et même la quatrième de couverture est signée par l’artiste hongrois. Du point de vue de la composition, cette œuvre rappelle clairement la statue de Csaky qui constitue l’un des points forts de notre exposition.
Malheureusement, les originaux des deux dessins réalisés pour Rosenberg ont été perdus. WANTED ! Nous sommes à leur recherche ! En attendant, réjouissons-nous que l’une des ébauches réalisées pour le logo de Rosenberg ait refait surface et que l’opportunité nous soit offerte de la présenter au public pour la première fois dans le cadre de notre exposition.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Les œuvres cubistes perdues de István Farkas (1887-1944)
La disparition de quasiment toutes les œuvres de la période cubiste d’István Farkas (à l’origine Istvan Wolfner qui exposait sous le nom d’Étienne Farkas à Paris) constitue l’une des plus grandes pertes de l’histoire de l’art hongroise. Le jeune peintre arrive à Paris en 1911. Alors âgé de 25 ans, il y reste deux ans pendant lesquels, grâce à ses amis Alfréd Réth, le couple Galimberti et József Csáky, il intègre rapidement à la colonie cubiste hongroise de Paris, alors en pleine expansion. À l’Académie de La Palette, il développe des liens plus étroits avec Le Fauconnier, mais c’est probablement Jean Metzinger qui exercera le plus d’influence sur son art. Il soulignera par la suite que c’est au cubisme que l’art moderne doit le plus. Au printemps 1913, il débute au Salon des Indépendants dans la salle des cubistes avec une nature morte (Roses) et un portrait, ainsi qu’avec ses croquis réalisés à l’Académie de La Palette. Aucune de ces œuvres ne subsiste. Nous mesurons d’autant plus l’ampleur de la perte que nous savons qu’en 1915, il dispose d’un si grand nombre de pièces qu’il envisage de monter une exposition personnelle. La guerre l’empêche de mener à bien son projet et les œuvres de sa période cubiste disparaissent presque en totalité. En tant que citoyen d’un pays ennemi, il est contraint de prendre la fuite, abandonnant son atelier de Paris qui sera saisi, ainsi que ses œuvres, vendues aux enchères. Nous ignorons absolument où elles se trouvent aujourd’hui. Heureusement, nous pouvons nous faire une idée du cubisme de Farkas grâce à deux clichés d’époque.
Le photographe devait être Marc Vaux, qui a immortalisé les œuvres d’environ 6000 artistes parisiens en visitant leurs ateliers pendant près de 40 ans. Les photographies d’origine des œuvres de Farkas sont aujourd’hui introuvables, elles ne font pas partie des archives Marc Vaux conservées au centre George Pompidou. La réapparition des œuvres elles-mêmes relèverait du miracle, mais retrouver les photographies d’origine des tableaux nous aiderait déjà grandement dans notre recherche.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Joseph Csaky
La sculpture intitulée Groupe de femmes de Joseph Csaky a été exposée au Salon d’Automne à Paris en 1912. Avec cette exposition, le jeune artiste hongrois s’est retrouvé en première ligne du mouvement cubiste. Son œuvre a été exposée dans la salle XI, la section cubiste, entre les bustes de Modigliani. Des photos rares ont gardé cette première représentation ainsi qu’un film de l’époque.
Cette création exceptionnelle a survécu aux ravages de la Première Guerre mondiale, elle a été exposée à la galerie Moos à Genève en 1920 et peut-être vendue. La dernière trace de la sculpture remonte à cette date en Suisse, mais qui sait où se cache cette œuvre importante de l’histoire de l’art international ?
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Imre Szobotka
Personnage haut en couleur, dans tous les sens du terme, Imre Szobotka cultivait un cubisme saturé de couleurs proche du courant orphique, mais s’appuyant sur des bases théoriques distinctes. Parmi les artistes hongrois, c’est lui qui a probablement le mieux compris les principes fondamentaux du cubisme, son cheminement jusqu’au cubisme analytique était cohérent et logique. La toile intitulée Musicien dont on a perdu la trace en 1970 et dont on ne possède qu’une reproduction en couleur est l’une de ses œuvres les plus représentatives.
Après la mort du peintre, sa veuve reçoit la visite de nombreux marchands d’art venus d’Europe de l’Ouest qui, en l’absence de marché d’art cubiste en Hongrie à l’époque, acquièrent aisément ses œuvres, y compris les plus intéressantes. Les meilleures toiles cubistes de Szobotka se sont ainsi retrouvées sur les marchés d’art d’Europe de l’Ouest. Aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, parvenir à retrouver leur trace représente un véritable défi. La Galleria dell’Incisione, dont le siège était jadis à Milan, organise à l’automne 1973 une exposition personnelle avec 50 (!) des œuvres cubistes de l’artiste. Quelques mois plus tard, la Galleria del Levante qui disposait également d’une succursale milanaise présente et vend pas moins de huit de ses toiles cubistes dans le cadre d’une exposition consacrée à l’avant-garde hongroise à Munich. Seule une petite partie de cet ensemble d’œuvres cubistes a refait surface depuis et seules quelques-unes ont été réintroduites sur le marché de l’art hongrois. Au cours de nos recherches, nous sommes parvenus à localiser plus de 50 œuvres de Szobotka présumées perdues, mais plusieurs douzaines attendent encore d’être redécouvertes. Parmi elles, la toile Musicien occupe une place particulièrement importante. Elle peut être considérée comme un autoportrait, l’artiste ayant joué de plusieurs instruments à vent. Il a même fabriqué lui-même un instrument proche du tárogató hongrois, à Saint-Brieuc, où il jouait dans l’orchestre du camp d’internement.
Le tableau perdu de Galimberti reproduit sur une carte postale ancienne
L’un des tableaux de Sándor Galimberti, peintre qui peut être rattaché au courant cubiste, a longtemps échappé à l’attention des chercheurs. Afin de promouvoir son journal, le promoteur de l’art moderne en Hongrie, Lajos Kassák, éditait des cartes postales à partir d’œuvres d’artistes appartenant au cercle de la revue Ma ou de créateurs étrangers. On peut lire au dos de la carte n° 39 : « Sándor Bortnyik : Dessin ». Il y a quelques années, le musée Kassák a reproduit une série de ces cartes postales rarissimes qui ne se trouvent plus aujourd’hui que dans une seule collection privée. Ces cartes sont toujours en vente dans la boutique du musée ; pourtant personne ne s’est aperçu que la légende au dos de la carte ne correspondait pas à l’œuvre reproduite qui est de toute évidence non pas de Bortnyik, mais de Sándor Galimberti. Il n’est même pas certain qu’il s’agisse réellement d’un dessin, car nous connaissons plusieurs peintures à l’huile similaires réalisées par Galimberti. Outre le style caractéristique de l’artiste, les initiales GS qui précèdent la mention de l’année confirment sans aucun doute possible l’attribution de l’œuvre à Galimberti. Kassák aura donc écrit le nom d’un autre Sándor au dos de sa carte par erreur. C’est ainsi qu’est restée ignorée des chercheurs cette œuvre cubiste de Galimberti dont voilà l’unique représentation et qui révèle la forte influence de Fernand Léger.
Nous recherchons non seulement le tableau, mais aussi la carte postale, car il s’agit d’une pièce d’une grande rareté !
Texte : Gergely Barki, commissaire de l’exposition
Le tableau perdu de Galimberti reproduit sur une carte postale ancienne
L’un des tableaux de Sándor Galimberti, peintre qui peut être rattaché au courant cubiste, a longtemps échappé à l’attention des chercheurs. Afin de promouvoir son journal, le promoteur de l’art moderne en Hongrie, Lajos Kassák, éditait des cartes postales à partir d’œuvres d’artistes appartenant au cercle de la revue Ma ou de créateurs étrangers. On peut lire au dos de la carte n° 39 : « Sándor Bortnyik : Dessin ». Il y a quelques années, le musée Kassák a reproduit une série de ces cartes postales rarissimes qui ne se trouvent plus aujourd’hui que dans une seule collection privée. Ces cartes sont toujours en vente dans la boutique du musée ; pourtant personne ne s’est aperçu que la légende au dos de la carte ne correspondait pas à l’œuvre reproduite qui est de toute évidence non pas de Bortnyik, mais de Sándor Galimberti. Il n’est même pas certain qu’il s’agisse réellement d’un dessin, car nous connaissons plusieurs peintures à l’huile similaires réalisées par Galimberti. Outre le style caractéristique de l’artiste, les initiales GS qui précèdent la mention de l’année attestent sans aucun doute possible l’attribution de l’œuvre à Galimberti. Kassák aura donc écrit le nom d’un autre Sándor au dos de sa carte par erreur. C’est ainsi qu’est restée ignorée des chercheurs cette œuvre cubiste de Galimberti dont voilà l’unique représentation et qui révèle la forte influence de Fernand Léger. Nous recherchons non seulement le tableau, mais aussi la carte postale, car il s’agit d’une pièce d’une grande rareté.
Texte : Gergely Barki, commissaire de l'exposition